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Armelle Keiser fabrique des surfaces ultra glissantes

Dynamique sur des surfaces imprégnées-texturées - Laboratoire de Physique et Mécanique des Milieux Hétérogènes −www.pmmh.espci.fr

La faune et la flore ne cessent de nous étonner par les stratégies ingénieuses qu’elles mettent en place pour assurer leur survie. La plante carnivore Nepenthes, par exemple, développe des pièges redoutables pour les insectes qui s’y aventurent, ce qui lui permet de satisfaire son appétit. Comme le montre la vidéo ci-dessous, les insectes, attirés par les odeurs émanant de ces pièges, tentent de marcher vers le cœur de la fleur, et tombent dans l’ « estomac » de la plante. L’intérieur de la fleur est parsemé de minuscules rugosités sur lesquelles, par temps humide, se condense l’eau, ce qui forme un film mince. Comme une voiture qui ferait de l’aquaplaning, les insectes glissent sur ces parois un peu particulières. Armelle Keiser s’inspire de cette plante pour fabriquer des surfaces super-glissantes et étudier comment les liquides s’écoulent dessus !

Vous est-il déjà arrivé d’observer le cheminement des gouttes d’eau sur la vitre d’une fenêtre par temps de pluie ? Certaines gouttes dévalent la paroi à toute vitesse tandis que d’autres restent comme accrochées à la vitre. Même si la paroi semble totalement lisse à nos yeux, sa surface présente en réalité de minuscules défauts et est recouverte de petites impuretés (de la poussière par exemple), sur lesquelles la goutte d’eau parvient à s’agripper. Ce phénomène se révèle désavantageux dans certaines situations de la vie quotidienne. Les porteurs de lunettes en savent quelque chose ! Mais c’est aussi pour cette raison que les pare-brises des voitures ont des essuies-glaces. Entre autres, ces problèmes ont motivé la conception de surfaces qui restent sèches en toutes circonstances !


Des surfaces super-glissantes

Les surfaces super-glissantes utilisées par Armelle semblent tout à fait banales mais sont bien plus complexes qu’elles en ont l’air ! Comme les pièges de la Nepenthes, elles sont recouvertes de minuscules plots régulièrement espacés, de la taille d’une dizaine de nanomètres seulement. C’est à peine plus gros qu’une protéine ! Grâce à la taille infime de ces plots, les gouttes d’eau ne parviennent pas à s’accrocher à la surface, alors dite texturée, et lévitent tel un fakir sur un lit de clous. Seulement, de petits défauts comme une légère rayure peuvent compromettre ces propriétés hydrophobes. C’est pourquoi, les physicien.nes ont eu l’idée de remplir l’espace vide laissé entre les plots par un liquide hydrophobe, comme de l’huile. Ce liquide est soigneusement choisi pour sa capacité à rester piégé entre les plots de façon extrêmement stable grâce à la capillarité. Prenez par exemple une éponge mouillée : peu importe la façon dont vous l’essorez, il restera toujours un résidu d’eau. C’est la capillarité qui est à l’œuvre ! De la même manière, les interstices entre les plots sont suffisamment petits pour retenir l’huile.
Ces surfaces mi-solides mi-liquides, dites texturées-imprégnées, adoptent des propriétés tout à fait inédites qui leur sont propres. Mais quelles sont les lois qui régissent l’écoulement d’un liquide sur ces surfaces ? Dépendent-elles de l’huile utilisée ? De la texture de la surface ?

Armelle dans son laboratoire, montrant une de ses super-surfaces !

La folle glissade des gouttes d’eau

Pour répondre à ces questions, Armelle a mis en place des expériences très simples. L’une d’elle consiste à faire tomber des gouttes d’eau sur des surfaces inclinées. Le mouvement de la goutte est ensuite capturé par une caméra ultra-rapide pour ne rien rater de sa glissade. La vitesse de dévalement de la goutte est liée aux propriétés de la surface. En effet, si la goutte d’eau s’accroche à la surface, elle dévalera la pente beaucoup moins vite et inversement. Grâce à cette expérience, Armelle a notamment pu montrer que le mouvement de la goutte sur la surface dépendait à la fois des caractéristiques du liquide imprégnant (ici, l’huile) mais aussi de celles de la surface texturée (les plots).

La descente des gouttes d’eau est filmé avec une caméra ultra-rapide. Une fois traités par ordinateur, ces films aident Armelle a mieux comprendre les propriétés étonnantes de ces surfaces.


De telles surfaces pourraient régler certains petits tracas de la vie quotidienne. Tout le monde a déjà été confronté à la difficulté de terminer le tube de dentifrice ou la bouteille de ketchup. Grâce à ces surfaces super-glissantes, fini les problèmes ! Au-delà de simplifier notre vie de tous les jours, des applications dans d’autres domaines sont prometteuses, notamment dans le secteur médical. Lorsque le liquide imprégnant et la texture sont bien choisis, les bactéries et autres microbes peinent à s’accrocher aux parois et surfaces, limitant ainsi largement les risques de contamination dans les hôpitaux.

À gauche, la goutte d’eau est déposée sur une surface classique inclinée : elle reste accrochée. À droite, la surface est texturée et imprégnée d’huile : la goutte d’eau dévale la pente à toute vitesse ! Crédit : Armelle Keiser et Marc Fermigier (Enseignant-Chercheur au PMMH à l’ESPCI)


Mais comment Armelle Keiser en est-elle venue à étudier ces surfaces un peu particulières ?

Après deux ans de classe préparatoire, Armelle, diplômée Ingénieure à l’ESPCI Paris (en 2015), se spécialise en Physique des Liquides. Les contacts quotidiens avec la recherche au sein de cette école lui donnent alors envie de commencer une thèse au Laboratoire de Physique et Mécanique des Milieux Hétérogènes (PMMH). Elle aime s’intéresser aux problèmes de physique concrets et « macroscopiques », dans lesquels on peut voir ce qu’il se passe à l’œil nu. Les expériences qu’elle mène dans son labo sont très simples mais lui permettent d’adresser des sujets de recherche actuels en physique fondamentale. Outre son intérêt pour la physique, Armelle se passionne pour le cinéma et le théâtre. Elle aime également respirer le grand air et fait régulièrement des randonnées.