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Chiara Giangrande dévoile le code sucré des protéines

Laboratoire de spectrométrie de masse biologique et protéomique

Glycopeptidomic-based diagnostics in follow up disease activity


L’étude du sens de la vie en fascine plus d’un, mais tout le monde n’a pas la chance de travailler dans le domaine de la biochimie et de la biologie moléculaire. D’où venons-nous ? Comment sommes-nous faits ? Les réponses sont vastes, mais une partie au moins de la compréhension du fonctionnement humain se trouve dans les gènes. Toutes les cellules de l’homme contiennent de l’ADN, cette double-hélice constituée d’un enchaînement de molécules qui fait de nous ce que nous sommes. Cet ADN comporte de très nombreux gènes, et c’est l’expression de ceux-ci qui est importante. En effet, les gènes sont « transformés » en protéines, et ce en deux étapes : la transcription, qui permet de passer de l’ADN à l’ARN (structure similaire à celle de l’ADN à quelques atomes près), et la traduction, qui permet d’obtenir des protéines à partir de l’ARN. Ces protéines seront ensuite utilisées pour le fonctionnement de tout l’organisme.


Chiara en train de pipeter les solutions qu’elle va passer au spectromètre de masse

Dans son laboratoire, Chiara Giangrande s’intéresse notamment au devenir des protéines qui auraient subi une ou plusieurs modifications post-traductionnelles – après traduction. En effet, parfois, certains facteurs intérieurs ou extérieurs viennent agir sur les protéines et les modifier un tout petit peu. Néanmoins, cela suffit pour altérer, éventuellement radicalement, leur activité. Chiara travaille en particulier sur la glycosylation des protéines, c’est-à-dire l’ajout de molécules de saccharides - des sucres - à certains endroits de la protéine. La glycosylation est un phénomène naturel, qui permet aux protéines de se mettre dans la conformation tridimensionnelle où elles sont actives. Elle joue notamment un grand rôle dans leur signalisation : elle ajoute comme un petit signal sur la protéine, indiquant à quel endroit de la cellule elle doit se rendre et avec quelles molécules elle doit interagir. Cependant, une glycosylation aberrante peut avoir de graves conséquences pour l’individu. Lorsqu’une telle glycosylation survient sur des anticorps IgG - protéines impliquées dans la reconnaissance des corps étrangers, les antigènes, comme les cellules des virus – elle peut être considérée comme étant le biomarqueur d’une maladie auto-immune : c’est une maladie au cours de laquelle le corps reconnaît certaines molécules de l’organisme comme des éléments étrangers qu’il faut éliminer. Une personne atteinte de ce genre de maladie va donc voir son système de défense détruire ses propres cellules. Dans le cas de la sclérose en plaques par exemple, le système immunitaire s’attaque au système nerveux central, et notamment aux différents composés de la myéline : celle-ci est une membrane biologique qui s’enroule autour des axes des neurones pour faire une gaine et ainsi, protéger les fibres nerveuses. Détruire cette gaine est donc particulièrement dangereux pour l’organisme.


Les réglages du spectromètre : il faut être soigneux !

Chiara cherche à observer quantitativement la glycosylation des protéines. Pour cela, elle utilise des machines appelées spectromètres de masse  : dans ces machines, les protéines, une fois découpées en petits morceaux par un procédé enzymatique, sont détectées selon leur masse et ensuite fragmentées dans une cellule de collision. Avec le relevé de tous les fragments de la molécule, on peut remonter, à la manière d’un puzzle, à la structure de la molécule entière ou à certaines de ses parties. Chiara peut alors mesurer la taille et la composition des sucres accrochés sur la protéine, ainsi que la séquence de la protéine. Elle essaye notamment de développer des dispositifs microfluidiques, avec des petites puces jetables couplées à un spectromètre de masse, pour diagnostiquer les patients atteints de sclérose en plaque en utilisant seulement quelques gouttes de leur sang.


Le traitement des données informatiques est lui aussi une grande part du travail de Chiara

Mais comment Chiara en est-elle arrivée à dévoiler le code sucré des protéines ?

Chiara vient d’Italie, de Naples. Elle pense s’être toujours posé des questions concernant la complexité de la vie, et des molécules qui codent l’information biologique. Ayant un père médecin et une mère qui a fait des études en biologie, elle a abordé de nombreux sujets scientifiques. Ainsi, elle a commencé des études de sciences en Italie, complétées ensuite par un doctorat en biotechnologie. Quand elle a démarré son parcours doctoral, les biotechnologies étaient dominées par l’idée qu’une fois que le code moléculaire de la vie contenu dans l’ADN et les protéines serait déchiffré, l’homme aurait la clé pour comprendre la plupart des mécanismes biologiques. Cependant, il existe une certaine classe de molécules bioinformatives, les sucres, qui sont souvent négligées par les biologistes à cause de leur complexité. Toutes les cellules sont recouvertes de sucres, et ces molécules sont la première chose que l’on le voit quand on regarde une cellule. C’est donc pour cette raison qu’elle a pu entamer un doctorat sur le développement de stratégies analytiques à utiliser pour la caractérisation des glycoprotéines et des autres glycoconjugués à l’université de Naples. Ces stratégies trouvent leur application dans le diagnostic médical, mais aussi dans tout ce qui touche à la présentation des médicaments, pour le contrôle qualité de la production de molécules à haute valeur ajoutée, les anticorps monoclonaux par exemple.
En dehors de la science, Chiara aime beaucoup prendre des photos. On peut d’ailleurs voir, sur plusieurs de ses photos, la beauté des paysages de son pays natal !


Chiara en Italie, devant un paysage à couper le souffle !

Par Alice Beccegato et Chiara Giangrande